Réaction contre le monde contemporain, le
Symbolisme n'est toutefois pas un mouvement surgi "ex nihilo"
: tout l'art, depuis ses débuts, a été tissé de symboles.
De même que tout art renvoie au-delà de lui-même et de son sujet, tout
symbole se réfère en effet à une réalité absente. S'il désigne en mathématiques
une quantité inconnue, il s'efforce, pourrait-on dire, en religion, art
ou poésie de rendre tangible une qualité inconnue, qui est la valeur recherchée.
Dans une perspective religieuse, cette qualité est inconnue (ou insaisissable)
du fait qu'elle relève d'un autre ordre (surnaturel), et que seule la
médiation de l'objet sacré permet de la signifier (le sacré n'étant ici
qu'une catégorie sémantique, différente du divin).
Le symbolisme souhaite donc figurer autre chose que le réel immédiat et
visible. Il est romantique jusqu'à un certain point, allégorique par moments,
onirique ou fantastique, et se rapproche parfois de cette instance profonde
que Freud allait décrire bientôt en théorisant l'inconscient.
En s'opposant au réel restreint de l'époque, au donné, au profane, particulièrement
représentés par le naturalisme de Gustave Courbet ou Jean François Millet
en peinture, d'Emile Zola en littérature, le Symbolisme prétend réinventer
un langage des idées: selon Aurier, l'uvre d'art se doit désormais
d'être "idéiste","symboliste", "synthétique"
et "subjective".
En cela, le Symbolisme rejoint ses précurseurs:
le peintre suisse Heinrich Fusslï, à qui l'on doit le célèbre "Cauchemar",
William Blake, ou encore le pathétique Goya de l'époque de la "Casa
del sordo"...
Il s'inscrit également dans une mouvance à la fois philosophique, littéraire
et artistique, dont tous les acteurs,
à travers une singularité revendiquée, partagent le même combat.
En effet, bien que le Symbolisme se caractérise par un individualisme
farouche, il est incontestable que l'interpénétration des champs culturels
constitue l'un des traits dominants de la période.
C'est d'ailleurs dans le domaine de la littérature, elle-même héritière
du Romantisme et influencée par la philosophie de Shopenhauer et de Nietszche,
que le Symbolisme trouve ses premières expressions, à travers les oeuvres
de Baudelaire, Lautréamont, Verlaine, Rimbaud, puis Mallarmé,
qui écrira :
"Peindre non la chose, mais l'effet
qu'elle produit".
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Jan
TOOROP
Les trois fiancées, 1893

HODLER
Song from Afar, 1906

Johan-Heinrich FUSSLI
Le Cauchemar, 1781

DELVILLE
Parsifal, 1891
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